Nom de
l'accusé : Merahi Saber
Age : 25
ans (il les a fêtés en prison)
Délit :
Participation à la dite-révolution (source PV de la police)
Verdict :
Procès toujours en cours (Saber risque 20 ans de prison...)
Il y a environ deux mois, beaucoup d'entre nous découvraient avec stupeur qu'un jeune
croupissait depuis le 04 avril 2012 derrière les barreaux, ayant été
accusé à tort par un policier de l'avoir tabassé et tenté de
l'assassiner. Les charges sont graves mais les faits le sont encore
plus, car figurez-vous, avant cette accusation, les deux hommes ne
s'étaient jamais rencontrés. Nous avons pris effectivement la peine
de vérifier cette histoire (documents à l'appui) pour nous rendre à
l'évidence qu'aujourd'hui, en Tunisie, les anciennes pratiques
perdurent, maintenues par les mêmes institutions sans scrupules,
aucun !
Pour
résumer, le policier en question a eu la «malchance» de passer le
16 janvier par un quartier de la ville de Kabbaria ; où un adolescent
de 14 ans venait de tomber sous les balles de la police. Le barrage
du comité de quartier, s'étant rendu compte après vérification
des papiers, que l'homme appartenait à la garde présidentielle,
s'est acharné sur ce dernier et c'est plutôt compréhensible si
l'on veut bien se souvenir des circonstances de peur et d'hostilité
vis à vis de la police lors de ce fameux week-end !
Le hic
est que Saber Meraihi, lui n'habitait pas ce quartier mais un
quartier voisin et n'était pas présent lors de la «correction»
infligée au plaignant par les habitants d'un quartier qui venait de
sacrifier un martyr. Des témoins ont déjà confirmé ces propos
auprès du juge d'instruction.
Pourquoi Saber ? Et pourquoi pas un autre? En réalité l'affaire dépasse
les personnes. Elle n'est que la représentation de l'un des aspects les
plus marquants de la révolution : celui de la lutte de la jeunesse
contre l'injustice.
Saber a
été choisi au hasard, remarqué par ces messieurs de la police sur
une vidéo facebook où il regardait avec d'autres jeunes, les
militaires embarquant des policiers. En signalant un peu trop directement sa satisfaction à vue de ce
spectacle, Saber a dû heurter la sensibilité de ces chers agents de
l'ordre. Ils n'ont pas hésité à convoquer le réalisateur de la vidéo pour lui demander les noms des personnes filmées (et lui
suggérer par la même de passer sous silence son passage au poste).
Mesure obligatoire, car après-coup, le plaignant allait retrouver sa
mémoire et reconnaître Saber comme son agresseur.
Ce procès
n'est-il pas symbolique ? N'illustre-t-il pas l'Etat policier qui
punit la jeunesse qui s'est soulevée contre lui ? Une jeunesse
longtemps pourchassée, torturée, réprimée et dépouillée de ses
droits et de ses rêves par la peur, l'intimidation, les menaces et la violence !
Jusqu'à ce qu'elle crie sa rage et entame une révolution...Le
langage policier était le seul langage que l’État savait parler,
brutal, voyou et sans états d'âmes. Il vous écrase, et maintient
votre liberté en sursis toute votre vie.
«Mon
frère a des rêves simples» me dit Samia Meraihi la sœur de Saber.
Il voulait travailler, fonder une famille... et il a été arrêté à
une semaine de sa titularisation à la société des chemins de fer (SNCFT). "Ce boulot, il avait lutté pour l'avoir et travaillé dur pour le
garder... aujourd'hui, il n'a plus rien". Ses 25 ans, Saber les a
fêtés enfermé à la prison d'El Mornaguia.
Ses parents sont au bout du rouleau. Sa sœur quant à elle, continue avec courage à militer pour la libération de son frère, s'accrochant à chaque espoir, mais a-t-elle d'autres choix. Cette jeune femme est l'image même de la résistance : calme mais ferme et déterminée. Elle lutte sans rechigner, comme des milliers d'autres femmes dans ce pays, qui ne veulent pas se résigner à baisser les bras. Elles sont quelques part le souffle de cette révolution.
Ses parents sont au bout du rouleau. Sa sœur quant à elle, continue avec courage à militer pour la libération de son frère, s'accrochant à chaque espoir, mais a-t-elle d'autres choix. Cette jeune femme est l'image même de la résistance : calme mais ferme et déterminée. Elle lutte sans rechigner, comme des milliers d'autres femmes dans ce pays, qui ne veulent pas se résigner à baisser les bras. Elles sont quelques part le souffle de cette révolution.
«Il est
détruit psychologiquement» insiste Samia, "mes semaines sont
rythmées par les visites ajoute-t-elle et nous passons les jours qui
suivent chaque visite au grès des humeurs de Saber". La question de
la réinsertion sociale a d'ailleurs été posée dans le fil de la
discussion (encore faut-il qu'il soit libéré). Cette question ne se
pose pas souvent et l'on parle rarement du rôle de l'Etat et de la
société civile dans la prise en charge sociale et psychologique des
prisonniers qui retrouvent la liberté. En parlant de société
civile et à la question, si cette dernière a été présente lors
de l'arrestation et du procès de Saber, Samia me répond qu'elle a
eu un unique contact avec la LTDH. Je comprends parfaitement et en
tant que membre d'une association que la société civile puisse être
débordée mais je n'arrive pas à expliquer son absence dans un
combat aussi important. En effet, le procès de Saber est le procès
de tous les jeunes tunisiens qui ont osé défier le régime.
Où
allons nous ? La Tunisie serait-elle devenue allergique aux jeunes?
Mon pays serait-il entrain de dénigrer cette génération qui est
supposée assurer l'avenir, cette génération qui a eu «
l'insolence » de se soulever contre le régime policier que nous
subissons depuis des décennies et qui persiste et continue à
vouloir asseoir son hégémonie sur le pays ? Des jeunes aux
chômages, des jeunes marginalisés, des jeunes que l'on ne veut
toujours pas écouter... des jeunes qu'on met en prison.
Je vais
clôturer cet article en lançant un appel net, clair et direct :
Libérez Saber ! Dites à cette jeunesse qu'elle n'est pas étrangère
dans son propre pays. 25 ans, c'est l'âge de vivre et non l'âge de
se consumer en prison. Ces pratiques doivent cesser une fois pour
toutes, car sachez-le : plus rien ne sera jamais comme avant ! La
souveraineté de l'Etat avec laquelle on n'arrête pas de nous
rabâcher les oreilles dépend et découle uniquement de la
souveraineté du peuple, comprenez-le une fois pour toutes. Nous
n'avons toujours pas dit notre dernier mot, le processus
révolutionnaire est en cours jusqu'à ce qu'il atteigne ses
objectifs de justice et d'égalité. Et nous continuerons avec lui... Travail dignité, liberté, pouvoir au peule et … Libérez Saber
Meraihi !
Hajer Boujemâa