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dimanche 2 décembre 2012

Siliana : la révolution se remet en marche Par GILBERT NACCACHE


Que s’est-il passé à Siliana ? Apparemment, rien de bien nouveau : la population revendique, le gouverneur refuse de l’entendre, cela finit par une répression, dure, certes, mais pas tout à fait inattendue.
En fait, c’est moins simple : les revendications de la révolution ne sont pas satisfaites, les nouvelles autorités sont aussi inefficaces dans ce domaine que les anciennes, et aussi bêtement autoritaires et méprisantes vis-à-vis du peuple qu’elles sont censées servir. Le manque de discernement de ce pouvoir ne lui a pas permis de comprendre que ce qui continue dans le mouvement révolutionnaire qui brandit les mêmes revendications, c’est sa défiance totale, définitive de l’autorité, c’est son refus d’admettre qu’une quelconque prétendue légitimité rende cette autorité infaillible et inattaquable, n’interdise sa critique ; la révolution l’avait dit : la seule autorité pour elle était le peuple, et elle n’en accepterait plus d’autre ; et elle l’a manifesté avec éclat dans sa résistance à la répression à Siliana, dans ses diverses levées de solidarité dans tout le pays.
En fait, sans que le gouvernement d’Ennahdha s’en soit rendu compte, quelque chose de beaucoup plus important que des manifestations s’est produit : la révolution a repris sa marche, avec en tête, comme en décembre-janvier, ses jeunes et ses femmes et, pour lui barrer la route, on utilise la même répression sauvage, on agite les mêmes chiffons rouges, on prononce les mêmes discours que ceux de décembre 20110 et janvier 2011. En somme, on la traite par les méthodes de Ben Ali, avec la même répression féroce qui accroît sa détermination, avec les mêmes discours hypocrites et mensongers sur les violences des manifestants et les attaques contre les symboles de l’Etat, bâtiments, matériels, etc., qui ne sont pas convaincants.
Ce qui est nouveau, c’est que ces discours ne sont pas tenus par des adeptes de Ben Ali, où même de Bourguiba, célèbre notamment pour son apologie du prestige et de l’autorité de l’Etat. Au contraire, ceux-ci versent des larmes de crocodile sur les victimes de la répression, ne manquant pas, dans leur compassion, de demander des changements politiques profonds… qui écarteraient pour eux les dangers de l’exclusion et de la justice transitionnelle.
Le nouveau est que ces discours, qui ont parfois été timidement tenus, notamment en avril 2012, par Ali Laraied, ex-victime d’une longue répression, sont maintenant le credo de l’ensemble d’Ennahdha : sans chercher le moins du monde à se désolidariser de la répression, même dans ses aspects les plus sauvages, ils donnent leur bénédiction aux brutes qui ont utilisé des armes dont le ministre de l’intérieur « ne savait pas qu’elles pouvaient faire de telles blessures », ils admettent sans broncher que la répression se poursuive bien après qu’il ait assuré le pays qu’il y mettait, après même l’accord de trêve signé avec l’ugtt … Ils se sont installés à l’intérieur de la logique du système que la révolution a ébranlé, et s’efforcent valeureusement de le remettre sur pied.
Il n’est pour l’instant pas important de savoir jusqu’à quel point, marionnettes dépourvues d’intelligence de la situation, ils sont tombés dans un piège tendu par les forces de la réaction qui demeurent très puissamment installées dans l’appareil d’Etat, et plus spécialement dans le ministère de l’intérieur. Ce qui est fondamental, c’est que ces victimes de la dictature ont mis moins d’une année pour assimiler l’idéologie, les méthodes d’action, l’argumentaire et les types de discours de la dictature. Le discours de Jebali aurait pu être prononcé à l’identique par Zine El Abiddine Ben Ali le 12 ou le 13 janvier 2011. Et il n’a, à l’identique, convaincu personne, un ministre Ettakatol allant jusqu’à parler de bavures qu’il fallait traiter comme telles.
Jebali et ses camarades ont-ils oublié ce qu’ils doivent à ces gens qui ont « saccagé les biens de l’Etat », qui se sont attaqué à un gouverneur « symbole de l’autorité de l’Etat », alors même qu’ils répètent avec fierté qu’ils ont rétabli l’Etat républicain et réussi le réconciliation avec ses anciens serviteurs ? Le fait qu’ils soient en charge de gouverner cet Etat aurait-il, d’un coup de baguette magique, transformé celui-ci et ses commis en un Etat « au service du peuple et de la révolution » ? Et cette « nouvelle » conception de la démocratie qu’ils affichent, nous ne démissionnons pas, obtenez une motion de censure, n’est-elle pas celle de toutes les dictatures du monde ? A force de hurler contre les dangers de dictature théocratique, les « démocrates » ont oublié la présence réelle de la dictature de l’appareil de l’ex-parti unique, servie cette fois par les islamistes.
Des questions, à vrai dire secondaires pour la révolution, demeurent : d’abord, dans quelle mesura Ennahdha ne s’est pas faite manipuler ? En d’autres termes, les tenants de l’ancien régime pourraient, en apprentis-sorciers, avoir repris les méthodes qui avaient discrédité Ben Ali pour couler le gouvernement actuel, faisant des populations les otages de leurs ambitions, mais provoquant également un nouveau sursaut de la révolution. De nombreux éléments vont dans ce sens, par exemple la forme, extrêmement brutale et cynique de l’intervention policière (blessures dans le dos et les yeux, intrusion dans les maisons, provocations obscènes envers les femmes), la coïncidence entre la date de l’assaut policier avec celle du procès en appel des dirigeants de l’appareil de sécurité de Ben Ali, comme le prochain vote par l’ANC de deux propositions de loi, l’une portant exclusion des élections des anciens responsables du RCD et l’autre concernant la justice transitionnelle, dont l’article 13, en remettant en question tous les jugements déjà prononcés, annule les efforts réalisés pour minimiser les poursuites contre les piliers de l’ancien régime…
L’incontestable affaiblissement d’Ennahdha aboutira-t-il à l’ouverture de négociations avec Nidaa Tounès sur ces points et d’autres, comme la participation ou tout au moins le soutien à un nouveau gouvernement. Le discours du président provisoire Marzouki, malgré sa condamnation de la répressions et des violences de Siliana, va aussi dans le même sens, par sa proposition de nouveau gouvernement restreint et appuyé sur des compétences, comme par son appel au calme, de même que toutes les initiatives de l’UGTT…
Mais cet affaiblissement pourrait aussi remettre à l’ordre du jour l’éventualité d’un coup d’Etat militaire, qui aurait le soutien de lardes couches de la petite bourgeoisie urbaine : les tenants de la contre révolution en jugeront-ils le moment favorable, l’armée acceptera-t-elle ? Autant de points d’interrogation. Car il faut bien se rendre compte que, pour autant que Jebali (ou n’importe quel autre nahdhaoui) chausse les bottes de Ben Ali, pour autant que l’appareil d’Etat a converti tout ou partie d’Ennahdaha aux mœurs de l’Etat de parti unique, on ne voit plus très bien l’utilité de le garder au pouvoir…
Cette question repose celle de la problématique de la transition, décidée par les survivants de l’ancien régime, et finalisée par Caïd Essebsi : cette problématique ne peut mener qu’à des demi-mesures qui affaiblissent la révolution, mais ne pourront l’arrêter, ses racines vont très au-delà. Mais ces demi-mesures peuvent être fatales à ceux qui dirigent le pays. Sont-ils encore capables de s’arrêter, d’échapper à l’emprise du passé pour s’appuyer sur la révolution ? Il est permis d’en douter, même si c’est leur seule chance, à terme, de se maintenir, ne serait-ce qu’en tant que partis politiques, mais ceci est leur problème.
Celui de la révolution, qui vient de démontrer sa vigueur et son profond enracinement, est de continuer tranquillement, comme les marcheurs de Siliana qui sont allés à Tunis, comme les manifestantes et manifestants de tout le pays, quel qu’en soit le coût, à lutter pour la réalisation de ses objectifs, que chacune de ses luttes rapproche : elle n’a plus à démontrer son existence.
GN – 2 décembre 2012


mercredi 15 février 2012

Bonnes feuilles: extraits de "Vers la démocratie?" : Sur l'évolution du parti destourien




Sous Bourguiba, le parti est une structure contrastée

Ainsi, en Tunisie, sous Bourguiba, l’idéologie officielle était celle de l’Union Nationale, et prétendait que toutes les classes et « catégories » de la nation devaient bénéficier ensemble de l’indépendance et de ses bienfaits. Dans cette optique, le Destour *, parti unique de fait, était le lieu de la concrétisation de cette Union Nationale : toutes les classes et fractions de classes étaient censées y être représentées, directement et par des individus, ou au titre de telle ou telle organisation nationale – syndicat ouvrier ou patronal, organisation d’agriculteurs, de femmes… – dont on ne savait déjà plus très bien si elle était le moyen d’expression de ses membres auprès du pouvoir ou au contraire celui de faire exécuter dans son domaine les décisions de ce pouvoir. Il devait y avoir des deux au début, et existaient certainement des va-et-vient, comme cela s’est vu tragiquement à l’occasion de la crise avec l’UGTT (le syndicat ouvrier, en janvier 1978), contrairement à la rupture totale qui avait eu lieu avec les étudiants et la suspension des activités de leur organisation, l’UGET, devenue incontrôlable en 1972…
Dans la logique de cette idéologie, dans celle du maintien au pouvoir, non seulement par la répression contre les contestataires**, mais aussi par la domination idéologique sur le pays (« l’hégémonie » par rapport à la répression), accompagnée d’un intense effort pédagogique pour populariser la démarche et le projet, le parti destourien est resté un lieu de coexistence de tendances différentes, voire opposées. Lorsqu’un choix, comme celui des coopératives et de la collectivisation, « du socialisme destourien », entre 1963 et 1969, était contesté, ceux qui n’étaient pas d’accord n’étaient pas exclus du parti, ni même des instances dirigeantes, ils se soumettaient en silence, faisant parvenir leurs réserves, critiques et craintes au « Combattant suprême ». Les interventions directes de Bourguiba contre telle ou telle tendance se produisaient à chaque fois que cette tendance, devenue hégémonique, voulait écarter les autres : crise de 1969 où l’hégémonie de Ben Salah et des bureaucrates qui se constituaient en parasites directs de la collectivisation finit par dresser toutes les autres fractions, et particulièrement la paysannerie contre le pouvoir, et où la gravité de cette opposition obligea Bourguiba à réprimer Ben Salah, en qui il avait vu, non seulement le chef d’une fraction, mais un aspirant au poste de Président… ; le congrès du parti de 1971 où la tendance « libérale », dirigée par Ahmed Mestiri prend le contrôle du parti, congrès annulé par un autre, l’année suivante, puis congrès de 1979 où c’est au tour de Hédi Nouira, premier ministre en titre et dirigeant de fait du pays, de fomenter une sorte de complot en vue de généraliser dans toutes les structures de l’Etat, à commencer par le parti, sa propre hégémonie, avec l’aide du ministre de la Défense, A. Farhat, et de Hédi Baccouche, Directeur du Parti, que l’on retrouvera dans le coup d’État de novembre 1987.
A chaque fois, la lutte des tendances au sein du parti au pouvoir a pour objectif de capter le monopole et les interventions de Bourguiba de rétablir les équilibres. Jusqu’après le congrès de septembre 1979, où, prenant conscience que ces équilibres étaient trop précaires et incertains au sein du parti unique, il décide d’instaurer la pluralité des partis, pour ménager un espace d’expression des tendances qui ne peuvent déjà plus se faire entendre au sein du PSD. Il faut dire aussi que, à mesure qu’une tendance entrait dans l’opposition décidée à la politique de Bourguiba – sans même évoquer ici ceux qui étaient toujours restés en dehors de la sphère destourienne – elle quittait le Néo-Destour, ou en était chassée, créait un nouveau mouvement, réprimé avec plus ou moins de brutalité, et se raréfiaient les tendances au sein du parti au pouvoir, et celles qui restaient pensaient pouvoir plus facilement éliminer les autres. Ce phénomène d’élimination successive des tendances va dans le sens de la consolidation d’un appareil qui ne dépend déjà plus de telle ou telle tendance.

Pétrification de l’appareil du parti unique

Et l’initiative de Bourguiba arrive trop tard. L’appareil est déjà trop fort, trop rigide, il accepte du bout des lèvres le pluripartisme, mais pas la démocratie. Les élections de 1981, avec la négation totale de la libre expression des électeurs, sont la manifestation de la prise du pouvoir de l’appareil sur les instances dirigeantes. Dès lors, Bourguiba n’est plus le chef de toutes les fractions, il devient celui de l’appareil exclusivement. Et les fractions les plus corrompues, à tout le moins celles qui sont le plus décidées à profiter à fond de leurs privilèges, tiennent le haut du pavé.
La révolte du pain de janvier 1984, manifestation sanglante du fossé qui sépare désormais les masses populaires du pouvoir, de la fin de « l’hégémonie » idéologique et politique du parti destourien sur la société, est le début d’une nouvelle phase, celle de la gestion au jour le jour de la situation, du renoncement complet par le pouvoir aux instruments idéologiques de domination, pour le recours à la seule répression…
C’est que la survie de l’appareil exige un effort sécuritaire intense, d’autant plus que le vide idéologique laisse la place à un nouveau parti unique en projet, la Nahda des intégristes, que le pouvoir avait aidée à se développer pour contrer la gauche, et qui profite de l’essoufflement du PSD et de l’impopularité de sa politique pour se mettre sur les rangs.
La logique de la répression met tout naturellement en avant son principal artisan, Zine El Abidine Ben Ali. Le théoricien de cette répression, Mohamed Sayah, n’a pas saisi à temps la demande de l’appareil de le débarrasser de Bourguiba, sénile, hésitant et manipulé par ses proches, devenu incapable de jouer le rôle d’unificateur ou d’arbitre qu’il s’était fixé, et dangereux pour le parti, car il a lancé l’idée de multipartisme, et contesté dans les faits le monopole absolu du Destour sur la société.
Ici, il faut peut-être introduire une remarque méthodologique : l’appareil, les appareils en général, n’expriment jamais de demandes claires, ils attendent que surgisse celui qui portera la réponse à la question qui leur est posée, et si cette réponse est positive, si elle va dans le sens de leur intérêt, ils soutiennent cette personne, se l’approprient en quelque sorte, et en font leur chef. Sinon, ils suscitent la montée de quelqu’un d’autre, qui apportera la réponse attendue...
C’est à peu près ce qui s’est passé en Tunisie : les affrontements du 26 janvier 1978 marquent l’autonomisation de l’appareil du parti : tandis que Sayah le lance dans la bataille contre la “gauchisation de l’UGTT” et les prémisses de création d’un parti travailliste autour d’un syndicat plus radical que jamais, cet appareil ne fait que défendre son monopole, sans aucun programme politique clair, l’État c’est moi, proclame-t-il tous les jours, dans la foulée de Hédi Nouira, le premier ministre, à qui Bourguiba a laissé une très grande marge de manœuvre. Par la suite, après la tentative avortée de prise du pouvoir de l’appareil, au congrès de 1979, et quand Bourguiba, à celui de 1981, annonce le pluralisme politique, le parti se tait, feint d’accepter la situation..., mais sabote immédiatement l’application du pluralisme, en falsifiant honteusement les élections de novembre 1981, montrant par là son refus de laisser d’autres acteurs politiques entrer en scène. Il suscite partiellement, ou laisse faire sans prévenir les émeutes du pain de janvier 1984 qui, en déstabilisant le régime de Bourguiba, rendent le pays apte à un changement de direction : priorité absolue à la répression et à ceux qui sont capables d’en mettre au point l’escalade et, dans la foulée, liquidation brutale des intégristes, ce qui rend la situation intenable. Et c’est paradoxalement celui qui organise cette répression qui intervient pour calmer le jeu, en faire prendre la responsabilité par Bourguiba, et apparaître comme celui qui a évité la guerre civile au pays. Et, dans le coup d’État du 7 novembre 1987, on ne peut oublier que l’un des principaux acteurs est Hédi Baccouche, celui-là même qui était déjà au premier plan au congrès de 1979...

Après le renversement de Bourguiba, l’appareil saura attendre patiemment (un an et demi, sans jamais quitter le pouvoir) que Ben Ali le reconnaisse officiellement sien. Mais il n’a plus qu’un lointain rapport avec le parti de Bourguiba : plus d’idéologie, plus de références, plus de contradictions, les anciens responsables sont écartés et progressivement et remplacés par des gens qui n’ont en commun que leur soif du pouvoir et leur allégeance à la personne du chef, auteur du « changement ». Changement qui veut quoi, qui mène où ? Personne ne le sait, en tout cas personne ne l’exprime nettement...
Il est extrêmement édifiant de constater que, alors que les discours de Bourguiba, la plupart du temps, étaient des discours programmatiques ou pédagogiques, ceux de Ben Ali sont faits de bilans : depuis le changement, nous avons fait… Comme si les choses accomplies ne l’étaient pas par choix ou à la suite de réflexion ou de discussion, mais par un engrenage des causes et des effets que l’on ne domine pas vraiment…
L’appareil se sclérose, se pétrifie, et entrent en conflit ses deux parties, celle de l’appareil d’Etat proprement dit, plus particulièrement l’appareil de répression lié au ministère de l’intérieur, et celui du parti. Chacune de ces parties veut être essentielle et s’efforce d’éliminer l’autre des décisions, ou au moins la dominer, mais cette dernière résiste. Et, depuis le 7 novembre 1987, on peut aussi lire les événements à la lumière de cette opposition entre les deux types d’appareil, de la domination de l’un ou de l’autre, dans un ballet chaotique où tout le monde se réclame du chef.
Tout cela se déroule sur le fond d’une répression permanente, mais d’une répression qui ne s’affirme pas comme telle, sauf depuis peu de temps vis-à-vis des intégristes. Pour se faire accepter, pas tellement de la société – il est rassuré depuis que les élections de 1989 lui ont confirmé le fait que le PSD, qui devient le RCD, est tout à fait prêt à jouer son jeu et que les Tunisiens ne sont pas en mesure de défendre leurs droits de citoyens – mais de l’étranger dont il a besoin (et qui l’a aidé à prendre le pouvoir) pour obtenir crédits et aides économiques, le nouveau chef adopte le discours dominant, celui de la démocratie et des droits de l’homme. Comme l’omniprésence de l’appareil, avec ses exigences insatiables de pouvoir et d’enrichissement, favorise mal-fonctionnement et surtout corruption, que cette dernière, au niveau des sommets (elle existait déjà du temps de Bourguiba), s’ajoute spectaculairement à celle de la structure, il y a une contradiction fondamentale entre le discours et la réalité de l’action, une schizophrénie quotidienne qui fait de la parole une dérision suprême : et les observateurs analysent de plus en plus les affirmations de liberté, les mesures de libéralisation, en fonction des avantages qu’elles procurent à très court terme à telle fraction du pouvoir, à tel homme d’affaires bien en cour… Et dans les pires moments de répression et de généralisation de la torture, on fait l’apologie d’une démocratie que l’on violente et de droits de l’homme que l’on piétine…




* Nous appellerons le parti de Bourguiba « Destour », même s’il a changé de nom, passant de Néo-Destour à Parti Socialiste Destourien, puis à Rassemblement Constitutionnel Démocrate, après le renversement de Bourguiba.

** L’idéologie de l’Union Nationale était le fond sur lequel se développait l’idéologie du développement, marquée par la construction d’un Etat tout puissant et incontesté, seul capable d’impulser ce développement, une fois admis que la bourgeoisie privée ne pouvait seule promouvoir le développement économique : idéologie adaptée à merveille à l’émergence d’un appareil d’Etat de plus en plus autonome, de plus en plus répressif…