dimanche 2 décembre 2012

Siliana : la révolution se remet en marche Par GILBERT NACCACHE


Que s’est-il passé à Siliana ? Apparemment, rien de bien nouveau : la population revendique, le gouverneur refuse de l’entendre, cela finit par une répression, dure, certes, mais pas tout à fait inattendue.
En fait, c’est moins simple : les revendications de la révolution ne sont pas satisfaites, les nouvelles autorités sont aussi inefficaces dans ce domaine que les anciennes, et aussi bêtement autoritaires et méprisantes vis-à-vis du peuple qu’elles sont censées servir. Le manque de discernement de ce pouvoir ne lui a pas permis de comprendre que ce qui continue dans le mouvement révolutionnaire qui brandit les mêmes revendications, c’est sa défiance totale, définitive de l’autorité, c’est son refus d’admettre qu’une quelconque prétendue légitimité rende cette autorité infaillible et inattaquable, n’interdise sa critique ; la révolution l’avait dit : la seule autorité pour elle était le peuple, et elle n’en accepterait plus d’autre ; et elle l’a manifesté avec éclat dans sa résistance à la répression à Siliana, dans ses diverses levées de solidarité dans tout le pays.
En fait, sans que le gouvernement d’Ennahdha s’en soit rendu compte, quelque chose de beaucoup plus important que des manifestations s’est produit : la révolution a repris sa marche, avec en tête, comme en décembre-janvier, ses jeunes et ses femmes et, pour lui barrer la route, on utilise la même répression sauvage, on agite les mêmes chiffons rouges, on prononce les mêmes discours que ceux de décembre 20110 et janvier 2011. En somme, on la traite par les méthodes de Ben Ali, avec la même répression féroce qui accroît sa détermination, avec les mêmes discours hypocrites et mensongers sur les violences des manifestants et les attaques contre les symboles de l’Etat, bâtiments, matériels, etc., qui ne sont pas convaincants.
Ce qui est nouveau, c’est que ces discours ne sont pas tenus par des adeptes de Ben Ali, où même de Bourguiba, célèbre notamment pour son apologie du prestige et de l’autorité de l’Etat. Au contraire, ceux-ci versent des larmes de crocodile sur les victimes de la répression, ne manquant pas, dans leur compassion, de demander des changements politiques profonds… qui écarteraient pour eux les dangers de l’exclusion et de la justice transitionnelle.
Le nouveau est que ces discours, qui ont parfois été timidement tenus, notamment en avril 2012, par Ali Laraied, ex-victime d’une longue répression, sont maintenant le credo de l’ensemble d’Ennahdha : sans chercher le moins du monde à se désolidariser de la répression, même dans ses aspects les plus sauvages, ils donnent leur bénédiction aux brutes qui ont utilisé des armes dont le ministre de l’intérieur « ne savait pas qu’elles pouvaient faire de telles blessures », ils admettent sans broncher que la répression se poursuive bien après qu’il ait assuré le pays qu’il y mettait, après même l’accord de trêve signé avec l’ugtt … Ils se sont installés à l’intérieur de la logique du système que la révolution a ébranlé, et s’efforcent valeureusement de le remettre sur pied.
Il n’est pour l’instant pas important de savoir jusqu’à quel point, marionnettes dépourvues d’intelligence de la situation, ils sont tombés dans un piège tendu par les forces de la réaction qui demeurent très puissamment installées dans l’appareil d’Etat, et plus spécialement dans le ministère de l’intérieur. Ce qui est fondamental, c’est que ces victimes de la dictature ont mis moins d’une année pour assimiler l’idéologie, les méthodes d’action, l’argumentaire et les types de discours de la dictature. Le discours de Jebali aurait pu être prononcé à l’identique par Zine El Abiddine Ben Ali le 12 ou le 13 janvier 2011. Et il n’a, à l’identique, convaincu personne, un ministre Ettakatol allant jusqu’à parler de bavures qu’il fallait traiter comme telles.
Jebali et ses camarades ont-ils oublié ce qu’ils doivent à ces gens qui ont « saccagé les biens de l’Etat », qui se sont attaqué à un gouverneur « symbole de l’autorité de l’Etat », alors même qu’ils répètent avec fierté qu’ils ont rétabli l’Etat républicain et réussi le réconciliation avec ses anciens serviteurs ? Le fait qu’ils soient en charge de gouverner cet Etat aurait-il, d’un coup de baguette magique, transformé celui-ci et ses commis en un Etat « au service du peuple et de la révolution » ? Et cette « nouvelle » conception de la démocratie qu’ils affichent, nous ne démissionnons pas, obtenez une motion de censure, n’est-elle pas celle de toutes les dictatures du monde ? A force de hurler contre les dangers de dictature théocratique, les « démocrates » ont oublié la présence réelle de la dictature de l’appareil de l’ex-parti unique, servie cette fois par les islamistes.
Des questions, à vrai dire secondaires pour la révolution, demeurent : d’abord, dans quelle mesura Ennahdha ne s’est pas faite manipuler ? En d’autres termes, les tenants de l’ancien régime pourraient, en apprentis-sorciers, avoir repris les méthodes qui avaient discrédité Ben Ali pour couler le gouvernement actuel, faisant des populations les otages de leurs ambitions, mais provoquant également un nouveau sursaut de la révolution. De nombreux éléments vont dans ce sens, par exemple la forme, extrêmement brutale et cynique de l’intervention policière (blessures dans le dos et les yeux, intrusion dans les maisons, provocations obscènes envers les femmes), la coïncidence entre la date de l’assaut policier avec celle du procès en appel des dirigeants de l’appareil de sécurité de Ben Ali, comme le prochain vote par l’ANC de deux propositions de loi, l’une portant exclusion des élections des anciens responsables du RCD et l’autre concernant la justice transitionnelle, dont l’article 13, en remettant en question tous les jugements déjà prononcés, annule les efforts réalisés pour minimiser les poursuites contre les piliers de l’ancien régime…
L’incontestable affaiblissement d’Ennahdha aboutira-t-il à l’ouverture de négociations avec Nidaa Tounès sur ces points et d’autres, comme la participation ou tout au moins le soutien à un nouveau gouvernement. Le discours du président provisoire Marzouki, malgré sa condamnation de la répressions et des violences de Siliana, va aussi dans le même sens, par sa proposition de nouveau gouvernement restreint et appuyé sur des compétences, comme par son appel au calme, de même que toutes les initiatives de l’UGTT…
Mais cet affaiblissement pourrait aussi remettre à l’ordre du jour l’éventualité d’un coup d’Etat militaire, qui aurait le soutien de lardes couches de la petite bourgeoisie urbaine : les tenants de la contre révolution en jugeront-ils le moment favorable, l’armée acceptera-t-elle ? Autant de points d’interrogation. Car il faut bien se rendre compte que, pour autant que Jebali (ou n’importe quel autre nahdhaoui) chausse les bottes de Ben Ali, pour autant que l’appareil d’Etat a converti tout ou partie d’Ennahdaha aux mœurs de l’Etat de parti unique, on ne voit plus très bien l’utilité de le garder au pouvoir…
Cette question repose celle de la problématique de la transition, décidée par les survivants de l’ancien régime, et finalisée par Caïd Essebsi : cette problématique ne peut mener qu’à des demi-mesures qui affaiblissent la révolution, mais ne pourront l’arrêter, ses racines vont très au-delà. Mais ces demi-mesures peuvent être fatales à ceux qui dirigent le pays. Sont-ils encore capables de s’arrêter, d’échapper à l’emprise du passé pour s’appuyer sur la révolution ? Il est permis d’en douter, même si c’est leur seule chance, à terme, de se maintenir, ne serait-ce qu’en tant que partis politiques, mais ceci est leur problème.
Celui de la révolution, qui vient de démontrer sa vigueur et son profond enracinement, est de continuer tranquillement, comme les marcheurs de Siliana qui sont allés à Tunis, comme les manifestantes et manifestants de tout le pays, quel qu’en soit le coût, à lutter pour la réalisation de ses objectifs, que chacune de ses luttes rapproche : elle n’a plus à démontrer son existence.
GN – 2 décembre 2012


jeudi 30 août 2012

الحنشة.. طوفان القهره هز ديار، غدوة يروّح بالحكّام *** بقلم ناش


قام صباح اليوم 29 أوت 2012 وفد من شباب جبنيانة الناشط بالجهة متكون أساسا من مناضلين ميدانين و ثلة من إتحاد الشباب الشيوعي التونسي و بعض مناضلي حزب العمال، بزيارة ميدانية لمعتمدية الحنشة مساندة لأهلها الذين عاشوا ألوانا من الترهيب و الرعب من بوليس لعريض و ميليشيات جهاز النهضة الحاكم و على اثر الإضراب العام الناجح الذي كان من المفترض أن يكون مفتوحا و لكن الأهالي و الأطر الميدانية الفاعلة بالجهة من الحركة الديمقراطية و الحقوقين و الشباب المنتفض، قرروا تعليقه قصد تنويع أشكال النضال و التحرك. و قد أكد الوفد على الترابط النضالي بين الحنشة و جبنيانة كشرط أساسي لخلق نسيج مقاوم لمشاريع الإستبداد و تم الإتفاق على مشروع " توأمة نضالية " بين الجهتين لتوطيد أصر النضال و توسيع قاعدة التحرك. الحنشة: منطقة صناعية مهمشة، مساحات فلاحية مهملة، بطالة مستفحلة، أي نفس مشاكل الجهات الداخلية للبلاد التي لا زالت تتنفس عفن الفساد الإداري و المؤسساتي لأجهزة الدولة. الشكل الذي أراد الإعلام الرسمي تسويقه بتوجيه من النهضة و ميليشياتها الإعلامية سواء الإفتراضية و أو غيرها ( فعلى سبيل المثال، كانت تصريحات التوهامي درويش، نهضاوي، في الوطنية 7 التي اختارت أن تجري حوارا معه و مع شخص آخر نهضاوي دون غيره و حتى الفريق الصحفي التابع لما سمي -زورا- بالقناة الوطنية كان يتحرك خلف الأمن و بحماية منه )، هو أن الصراع و إندلاع الحركة الإحتجاجية يرجع أساسا إلى الجمعية التنموية و تركيبة النيابة الخصوصية، و هو في حقيقة الأمر ذات الصراع القائم بين النهضة و حزام التجمعين -الذين اختاروا غير موقع النهضة- للسيطرة على مفاصل الدولة و مؤسساتها و خاصة الجمعية التنموية لإستغلالها كرأس مال استباقي لأي عملية إنتخابية قادمة، في حين أن نبض الشارع تحركه وتيرة الإحتقان التي يعيشها مهمشي المنطقة من شباب و نساء و كهول نتيجة لغياب منوال تنموي يخدم مصالح المحرومين منهم و المفقرين و إغرق المنطقة في أزمة البطالة أو التشغيل الهش ( عمال حظائر، مناولة .. ).. الإعلام الرسمي أراد " قرصنة " الحراك النضالي لأبناء و أهالي المدينة و قدم الصراع على أساس أنه صراع حول مفاصل و مؤسسات الدولة؛ غير أن الصراع الحقيقي دائر حو المحاور النضالية من تشغيل و رد إعتبار لهذه المنطقة المهمشة.  
فمنذ أكثر من عام، تحرك الأهالي على جملة من المطالب الإجتماعية و التنموية للجهة التي تعاني حرمانا و تهميش كسائر محيطها الجغرافي المفقر أصلا ( أولاد عائشة، أولاد حمد، أولاد يوسف .. )، و لكن السلط المعنية بدئا من حكومة الباجي إلى حكومة النهضة أمعنت في المماطلة و بقيت كل الوعود مجرد حبر على ورق، فحتى نصيب المعتمدية من الميزانية ( 3 % ) لم يتم منه أي شيء يذكر بل و كان توجيهه أساسا لتغيرات سطحية من ترميم البنية التحتية و غيره لا تمس أساسا من جوهر منوال تنموي فعلي يغير واقع الجهة الإقتصادي و الإجتماعي. و في الأثناء، اتفقت مختلف الحساسيات السياسية الفاعلة بالجهة في علاقة بالجمعية التنموية على مبدأ تشكيل هيئة توافقية على قاعدة الكفاءة المحلية، لإعادة ترميم الجمعية التنموية و تطعيم النيابة الخصوصية، و لكن بعد الإنتخابات رفضت النهضة مشروع الوفاق و أرادت الإستئثار بأغلب المؤسسات كمنطق غنيمة الإنتخابات ( تطبيق نتائج الإنتخابات على توزيع مقاعد النيابة مثلا ). و لئن إحتدم الصراع منذ فترة، و بعد التشاور على فتح الباب للانخراطات و إجراء إنتخابات نزيهة، باغتت النهضة الجميع و تم إنجاز المؤتمر الأول للجمعية ب 104 منخرط فقط ( اشترتهم النهضة كلهم و وزعتهم على مواليها ) ليتم إبطال المؤتمر و افشال اشغاله و نتائجه من قبل مناضلي الجهة و حرائر الحنشة و الحركة الديمقراطية من احزاب يسار و قوميين.. ثم، حولت النهضة فرض المؤتمر مرة أخرى بالعنف، بحضور قوة البوليس و عسكرة مقر الجمعية، مما تتسبب مباشرة في إندلاع المواجهات بين الأهالي و قوات لعريض و تم على اثرها عمليات المداهمة و الإعتقال العشوائية لإبناء الجهة و مناضليها.. فكانت إنتفاضة المدينة على سياسات الحزب الحاكم التغولية و آلتها القمعية التي ضلت وفية لإرث بن علي، و تم إعلان إضراب بتاريخ 28 أوت 2012 كلل بالنجاح، بعد الوقفة الإحتجاجية من أمام مقر الولاية بصفاقس بتاريخ 27 أوت 2012 حيث رفض الوالي مقابلة وفد من مواطني الحنشة و هددهم اياهم بإحالة الموقوفين على المحاكمة و تسليط أشد العقوبات عليهم و خاصة زهير الغربي الذي عرف بنشاطه الميداني المكثف و نضالاته المستميتة لأجل تغيير واقع المدينة. و لكن لوحظ تواجد وجوه كانت فاعلة في التجمع التي أردت تدجين الحراك و دفعه نحو مواجهة مباشرة ضد النهضة فقط للسيطرة على مؤسسات الدولة و مفاصلها بالجهة، و هذا ما تفطن له احرار الحنشة الذين لفظوهم مؤكدين على أن النهضة و التجمع وجهان لعملة واحدة لا غير و أن بوصلة الصراع الحقيقي تكون على محاور الخيارات الإجتماعية و البديل الإقتصادي الذي يؤسس لكرامة المواطن العادي و يحفض حقه في العيش الكريم، و كلما تجولنا في أرجاء المدينة، إلا و أهاليها يؤكدون لنا بصريح العبارة: قوادة الأمس، هم نفسهم اليوم مع لحية و آثار طابع الثوم على الجبين. فكانت الشعارات واضحة:
يا مواطن يا مسكين كذبوا عليك باسم الدين 
شغل حرية كرامة وطنية
شادين شادين في سراح المساجين 
و رغم ضغط الشارع و مكونات الحركة الديمقراطية التقدمية و الجهات المجاورة، لا زال هنالك 5 موقوفين على ثمة التحقيق ومعهم وهم مهددين بأقصى العقوبات:زهير الغربي ( أصل مدينة الحنشة، ناشط ميداني، مناضل في في الحزب الوطني الإشتراكي الثوري، سليل العائلة الوطنية الدمقراطية ) محمد علي السلامي : ( أصيل مدينة الحنشة، نسبت إليه تهمة صنع المولوتوف )رضا  الداهش ( أصيل عمادة أولاد عائشة، التابعة إداريا للحنشة، نسبت إليه كذلك تهمة صنع المولوتوف )سليم الملوح ( شاب من أولاد حمد، مجاورة لمدينة الحنشة و عمادة تابعة لها إداريا ) أحمد مبارك ( أصيل مدينة الحنشة )
السلطة إذا، أرادت تعطيل الحراك الإجتماعي بتصعيد عمليات القمع و الإعتقال لإرجاع الحراك إلى مربع ضيق ( المطالبة بإطلاق سراح الموقوفين ) و وأد فتيل النضال الإجتماعي في المهد و هو ما دفع الأهالي و مكونات الحركة الديمقراطية بالجهة بالرغم من غياب التقاليد السياسية و النقابية بالجهة ( اليسار، في بعض احزابه المناضلة و نشطائه الميدانين من حزب عمال، بعثين، قومين، مناضلي العائلة الوطنية الديمقراطية بمختلف تفريعاتها ) إلى تكوين تنسيقية لتأطير الحراك الدائر بالجهة و نجحت مع أبناء الجهة من الشباب من تأطير حراك الشارع، و رغم تكالب الوالي و غيره من السلط المعنية - بعد الإجماع الشعبي الكبير حول الحراك الذي صار بالمدينة - للتفاوض معهم قصد " تهدئة الأوضاع " ، فإنهم ( أي التنسيقية و الأهالي ) رفضوا رفضها قاطعاو اشترطوا إطلاق سراح الموقوفين و إيقاف التتبعات العدلية ضد أبناء الجهة كشرط أدنى و أساسي و أولي قبل خوض أي حوار. 
 إن المتمعن في الحراك الجاري بالحنشة لا تغيب على ذهنه إحداث مقارنة مع الرديف 2008, فكل هذا الغضب و محاولة عقاب المدينة لأنها انتفضت ضد التغول الحزبي و تحركت على محاور النضال الإجتماعي ضد كل أشكال التهميش و التفقير، اعطت دروسا لآلة القمع و طورت أساليب الدفاع المدنية و المواجهات و الكر و الفر و أكدت و لا تزال تؤكد على النضال مستمر باستمرار سياسات الإستبداد القديمة و المستحدثة تحت أي غلاف كان.. كما أكدت على أن الذكاء الإجتماعي و حراك الشارع يولد 
   طاقات محاربة لها من الوعي ما يمكنها من إكتساب مناعة ضد كل أشكال الدمغجة و الاحتواء..


  

mercredi 25 juillet 2012

Ennahdha et les libertés par Gilbert Naccache


Le pouvoir politique est forcément source de contrainte et de limitation des libertés, et cela d’autant plus que sa légitimité est faible. C’est pourquoi, pendant toute une période, le discours islamiste de contestation du pouvoir de Bourguiba et Ben Ali rencontrait les aspirations populaires à la liberté : liberté religieuse certes, mais pas uniquement, libertés publiques également, de conscience, d’expression, de réunion, etc.
En fait, le mouvement Ennahda n’a réellement combattu que pour la liberté religieuse, c’est-à-dire la libération de la religion de l’emprise de l’Etat, et donc contre l’instrumentalisation par cet Etat d’une autorité qui, selon ce mouvement, doit être non seulement autonome, mais supérieure à toutes celles issues d’une source non divine. Mais cette bataille ne pouvait être gagnée sans la chute du régime Ben Ali, pour qui l’Etat, et même seulement le gouvernement, est celui qui prend toutes les décisions en matière religieuse : il fallait donc que soit mis fin à la dictature, et que soient établies un certain nombre de libertés.
La révolution a accompli cette tâche, mais n’a pas pu aller plus loin, ne s’est pas trouvé de direction politique. C’est en partie pour cela que le mouvement islamiste, souvent considéré comme l’adversaire le plus résolu de la dictature, mais n’ayant pas eu de rôle dirigeant de la révolution, a pu accéder au pouvoir.
Mouvement  religieux ou formation politique ?
La caractéristique de ce mouvement, plus nettement visible depuis ce moment est son caractère double : il est, dès son origine, un mouvement religieux, dont l’objectif est la daâwa,  terme qu’on peut traduire approximativement par prédication, ou prosélytisme, c’est-à-dire la généralisation de la bonne compréhension de la religion musulmane ; il est aussi une formation politique, par force, et parce que, dans le contexte d’un Etat où la religion est gérée par les autorités politiques, il faut, pour pouvoir exercer la religion comme il l’entend, lutter dans la sphère politique.
Cette dualité s’exprime notamment par des conceptions différente du rôle du mouvement : dans la forme daâwa, il s’agit essentiellement d’islamiser (de ré-islamiser) la société, de telle sorte qu’elle en arrive à demander une organisation du pays en califat, c’est-à-dire en Etat où la seule légitimité est religieuse, où la source du pouvoir est divine, vient de l’application des textes sacrés : on se souvient du discours dans ce sens de Jebali au lendemain du succès électoral d’Ennahdha. Dans la forme de mouvement (ou parti) politique, il s’agit de participer à la vie de l’Etat civil, c’est-à-dire où la source du pouvoir est le peuple et ses volontés politiques, de manière à avoir la majorité et installer des structures correspondant à ses inclinaisons idéologiques et religieuses, pas forcément d’emblée un Etat théocratique. Cette dualité n’est pas simplement représentée par des courants différents, elle existe aussi à l’échelle des individus et des tendances dans ces courants.
Cela entraîne des tactiques différentes : la daâwa n’exige pas des résultats économiques ou sociaux, on peut pallier les difficultés sociales par la charité, en attendant le califat qui exercera « l’économie islamique »… Dans la version organisation politique, il faut une action sur le plan politique, économique et social, avec une tactique tenant compte du rapport des forces et la réalisation d’un certain nombre d’objectifs pour assurer les succès électoraux : c’est la reconnaissance de l’origine profane de la légitimité politique.
Dépasser la contradiction ?
Trancher cette question essentielle pour l’avenir du mouvement n’est pas facile : il faudrait d’abord le faire à l’échelle de l’individu lui-même, ce qui, on le comprend, ne va pas de soi, mais il faut aussi tenir compte de la révolution, à laquelle ni Ennahdha, ni aucun autre mouvement politique n’ont su apporter un sens ou une direction, et dont la présence et les revendications continuent à peser très lourdement sur les possibilités des uns ou des autres. Cette difficulté est illustrée par la décision du tout récent congrès de ce mouvement de reporter la discussion sur ce point au  congrès extraordinaire, officiellement prévu pour 2014.
Enfoncé dans cette contradiction, le mouvement Ennahdha ne peut prendre de décisions politiques ou économiques et sociales véritables, qui risquent de le faire choisir de fait, et d’amener les partisans de l’autre tactique à se lever contre ce qu’ils considéreraient comme fait accompli, on peut trouver là un élément d’explication de la situation actuelle. Il a donc tendance à laisser les choses suivre le cours qu’elles avaient avant la révolution, et aura toutes les peines du monde à satisfaire les revendications des révolutionnaires. Mais, ce faisant (ou ne faisant pas) il va faire se dresser contre lui tous ceux qui attendent des changements réels, et donc compromettre l’objectif commun aux deux choix : gagner de l’influences, électorale et sociale (propagation de leur conception de l’islam). Et, dans ce cadre, les limitations des libertés s’avèrent nécessaires, voire indispensables, cela va de soi.
C’est peut-être ce qui explique que l’on ne cherche pas à épurer l’administration, que l’on conserve l’essentiel de l’appareil administratif de l’ancien régime : pourvu qu’il dise son acceptation du nouveau pouvoir légal, le responsable n’a qu’à continuer à faire ce qu’il faisait, qu’il ait ou non fait pousser sa barbe. Cela a aussi l’intérêt de garder des boucs émissaires : on ne fait rien parce qu’on est saboté. La victimisation est une attitude coutumière, et qui a été payante, du mouvement islamiste.
Quant à l’autre pilier de la domination politique, le parti, l’attitude est double : d’une part, essayer de remplacer les structures les plus ouvertement liées à la dictature, d’autre part récupérer tous les éléments qui veulent bien participer à l’entreprise : il y aura bientôt plus d’ex-RCD à Ennahdha que dans tous les autres partis, ce qui représente aussi un grand danger pour Ennahdha, qui risque d’être « mangée » par ceux qu’elle ne pourra pas digérer…
Alors ? Il se peut que certains dirigeants du mouvement décident de trancher, parce qu’ils le  jugeraient indispensable, au risque de déclencher une crise grave, voire une scission. Il est aussi possible que l’actuelle situation d’incertitude se prolonge, rendant encore plus nécessaires les atteintes aux libertés…
Les élections au congrès d’Ennahdha : compromis ou contradiction ?
Le dernier congrès d’Ennahdha a aussi présenté une contradiction assez remarquable : le mouvement est favorable au régime parlementaire, ce pourrait être en raison de la conformité de ce régime à la conception qu’ils ont de l’autorité : en l’absence d’un candidat indiscutable au califat celui qui préside doit être nommé par une assemblée de théologiens qui le soutiennent et le contrôlent.
Logiquement, le congrès aurait donc dû élire d’abord le majless ech-choura qui aurait choisi le président du mouvement en son sein. Or, après un vote relativement équilibré sur les modes de désignation, Rached Ghannouchi a été élu directement par les congressistes avec environ 73% des voix (ce qui est loin de l’unanimité) et le majlss ech-choura a été élu ensuite. Il faut noter que Ghannouchi fait partie des élus à ce majless, et qu’il n’est pas, il s’en faut de beaucoup, le premier de la liste.
Comment expliquer vraiment cette procédure contraire aux principes affirmés ? Si on ne dispose pas d’éléments suffisants pour répondre à cette question, c’est-à-dire de données pertinentes quant aux différentes fractions et à leurs choix des hommes, on ne peut que constater que cela a conforté Rached Ghannouchi à la tête d’un mouvement qui est traversé de graves contradictions, voire de conflits.
Le « retour du refoulé »
L’arrivée au pouvoir d’Ennahdha et ses alliés et leur incapacité à résoudre les problèmes ou même à seulement montrer qu’on cherche de vraies solutions ont entraîné un renversement total des équilibres du pays, aggravé par le refus des partis de l’opposition parlementaire de collaborer pour cette recherche de solutions : par le seul changement de ton de leur discours, les anciens soutiens, inspirateurs, défenseurs des dictatures, ceux qui ont préparé la situation désastreuse actuelle,  s’affirment comme contestataires résolus du nouveau pouvoir et, par là, se trouvent rencontrer les aspirations populaires à la liberté, surtout quand ils se réfèrent à Bourguiba et non à Ben Ali !
Et, absence de mémoire (« La lutte de l’homme contre le pouvoir est la lutte de la mémoire contre l’oubli », Milan Kundera) ou insuffisante confiance du peuple en ses capacités propres, dans cette lutte pour les libertés qui est forcément contestation au moins partielle du pouvoir, on fait abstraction de la continuité du programme de ces gens avec l’ancien régime renversé au nom des libertés : leurs critiques du nouveau pouvoir n’ont même pas besoin de porter explicitement sur les atteintes aux libertés ; ils s’attaquent à l’inefficacité du gouvernement, à ses incohérences, et même à ses erreurs grossières, et apparaissent parfois ainsi comme les porte-parole de la volonté populaire de liberté, et sont perçus par de nombreux secteurs de la société comme un rempart contre « les errements dictatoriaux des islamistes » ! Et cela explique les succès du loup déguisé en grand-mère (« Le petit chaperon rouge ») de Nida Tounès, qui recueille des sympathies bien au-delà des seuls anciens destouriens : beaucoup de ceux qui sont paniqués à l’idée d’un risque de transformation à l’afghane de la société tunisienne font confiance aux anciens politiciens qui n’ont jamais soutenu les islamistes, voire les ont réprimés.
Le peuple a conquis les libertés, lui seul pourra las défendre
Ne nous y trompons pas, la défense des libertés ne peut être efficacement menée sous la direction de ces partis politiques du passé qui ont avec le pouvoir des rapports pour le moins ambigus. C’est la mobilisation populaire de tous les instants pour les libertés qui peut assurer des succès dans cette lutte, elle seule peut obliger les partis politiques, au pouvoir ou non, à tenir compte de cette revendication fondamentale de liberté et, en premier lieu , à faire inscrire dans la future constitution un ensemble incontestable et sans restriction de garanties des libertés : cette lutte exige qu’on quitte les actions conjoncturelles pour essayer de réunir les énergies autour d’une stratégie efficace de pression. La poursuite de la révolution est à ce prix.
GN – 24/07/2012


vendredi 1 juin 2012

Winston Smith et Houssem luttent pour nous tous (par Gilbert Naccache)


L'incident qui s'est produit au tribunal militaire du Kef, où les juges ont décrété le huis-clos et ont saisi les caméras de Winston Smit (Ramzi Bettaieb) journaliste à Nawaat, a poussé ce dernier à s'engager, avec son collègue, Houssem Hajlaoui, dans une grève de la faim, .
C'est, en premier et en dernier lieu, d'un problème de liberté de presse qu'il s'agit : la liberté d'informer et surtout le droit du citoyen à une information libre et impartiale. Winston Smith nous dit tout cela par sa lutte. Mais il a posé aussi, au-delà, le problème de l'existence de tribunaux d'exception comme le tribunal militaire, composé de magistrats-officiers désignés par le corps militaire, et relevant de ce corps sur le plan disciplinaire. 
De tels tribunaux peuvent-ils juger sereinement dans des affaires directement ou indirectement politiques, où l'armée est peut-être une partie dans le conflit ?
Et, en ce temps de maintien de l"Etat d'urgence, ne disposent-ils pas de pouvoirs disproportionnés, propres à fausser leur fonctionnement, les décisions de huis-clos injustifiées et vexatoires pour les citoyens en sont une illustration ? Nous n'avions pas, dans le projet de constitution rédigé à Mahdia et défendu par les candidats des listes "Doustourna" aux élections, assez réfléchi à ce point, pourtant très important pour un Etat démocratique : il ne doit pas y avoir de tribunaux d'exception. Et aucun Tunisien n'a à être jugé par un tribunal d'exception, fût-il des plus sourcilleux en matière d'application stricte des lois : les justiciables doivent être soumis à la loi et à la justice, pouvoir constitutionnellement indépendant en principe, et non à une juridiction qui dépende du pouvoir exécutif.
Dans le cas d'espèce, il s'agit d'un problème politique qui concerne tous les Tunisiens, et en premier lieu les familles des victimes, il est inadmissible que des juges s'arrogent le droit de trier ce que le peuple peut savoir et ce qu'il faut lui cacher : au nom de quoi, avec quelle légitimité exercer un tel tri ?
Winston Smit a voulu faire son travail de journaliste, il a rencontré la répression de l'armée, s'est vu menacé de poursuites. Peut-on tolérer que, sans aucune justification légale, les juges décident de confisquer les moyens de travail des journalistes (un commandant a même dit à Ramzi qu'il disposait de ses enregistrements de conversations au téléphone !) afin de priver les Tunisiens de connaître une partie de leur histoire ?
Il faut soutenir le combat de Ramzi et Houssem, c'est notre combat, c'est une partie de la révolution, aussi importante que toutes les autres.


lundi 7 mai 2012

حتى يكون عيـد الشـغل عيـد الثـورة أيضــا


حتى يكون عيـد الشـغل عيـد الثـورة أيضــا




يحل غرة مــاي، الثاني منذ الثورةّ، في وضع تتراكم فيه مشاكل تونس، و تتضح أكثر فأكثر عدم قدرة المسؤولين السياسيين على مجابهتها. و بمناسبة احتفالات عيد الشغل، يتحتم على شغالي البلاد تقييم هذا الوضع،من وجهة نظرهم بالأساس، فيما يخص التشغيل وظروف العمل.


و من البديهي أن في تونس الثورة، التطرق لهذه المسائل مرتبط أوثق الارتباط بوضع الحريات و التهديدات التي تواجهها.


إن هذه التهديدات متعددة و متنوعة المصادر، إرادة الهيمنة من الأحزاب الحاكمة، أو ردود فعل الثورة- المضادة و الاستفزازات التي تهدف إلى تفاقم خطورة الأوضاع.


ويلاحظ كل يوم بصفة تصاعدية، عجز الحكومة في هذا المجال و لا مبالاتها تجاه الانتهاكات المقترفة ضد الحقوق و الأفراد، و ذلك في نهاية الأمر ضد روح الثورة.


إن هذه الاعتداءات الشرسة تقترف من طرف موظفين، نرى بكل إستغراب أنهم لا يتصرفون بصفة مغايرة كما لو كانوا الذراع المسلح للدكتاتورية، و كذلك من طرف مجموعات صغيرة معروفة، تعمل في وضح النهار، رغم خروجها عن القانون، و التي تبدو متأكدة من إفلاتها من العقاب:هل أن مسيريها متنفذون بصفة تسمح لهم بتحدي الشعب التونسي بأكمله، حيث يجهر البعض أكثر فأكثر بأمله في أن يشتاق هذا الشعب إلى نظام الرئيس المخلوع؟
في السياق الوطني المتسم بالمطالب الشعبية الملحة،والتي لحد الآن لم تتحقق، و تحت ضغوطات متأتية من البلاد المجاورة، إن هذا التسامح بل التراخي تجاه من يطعن في الثورة، تحت غطاء المعتقد الديني، يزيد في خطورة تنامي الجماعات الجهادية المسلحة بالبلاد. و في غياب موقف واضح و صارم من طرف الحكومة تجاه حماية الحريات، فالخطر يحدق بالبلد كله، و يصبح الشعب التونسي، و على رأسه الطبقة الشغيلة و النقابات، وحده الكفيل بتحمل هذه المسؤولية.
و لا شك في ان هذا الشعب، الذي أثبت كل قدراته، سيتحمل كل مسؤولياته، لأن ذلك يمثل ضرورة ملحة للثورة.


وفي نضالهم من أجل الحريات، لا ينسى الشغالون أهدافهم، و التي هي كذلك أهداف الثورة بالذات، و التي تخص النضال من أجل شغل كريم، وإحياء الاقتصاد، و القضاء على الفوارق الجهوية بالخصوص.


إن غياب الأمن الشامل بالبلاد يزيد في صعوبة الإنعاش الاقتصادي لكن الاتحاد العام التونسي للشغل أثبت وعيه بالمسؤولية في هذا المجال، حيث بادر بإطلاق مفاوضات مباشرة مع اتحاد الأعراف على المستويين الوطني و الجهوي . إن مثل هذه المفاوضات يجب أن تتوسع وتعمم، وأن تتوصل الأطراف الاجتماعية إلى إتفاقات شاملة، تشارك مكونات المجتمع المدني في ضمان احترام تنفيذها، لأنها تؤمن أيضا بأن النهوض الاقتصادي ضرورة حيوية للبلاد.


كما أن الحكومة، إلى جانب فرض إحترام القانون و مساندة هذه الاتفاقات، مطالبة بتوفير شروط نجاح هذا المسار، خاصة فيما يهم التجهيزات و البنية الأساسية و كذلك الإجراءات المصاحبة المجدية. إن مكافحة البطالة هي المفتاح لنجاح الثورة.


و في أول ماي هذا، يطالب الشغالون كلهم بإجراءات هامة تؤشر للإرادة الصلبة لمقاومة هذه الآفة، و ذلك بالمبادرة بأعمال ملموسة في هذا المجال: يجدر أولا المرور بالمشاريع الجاهزة إلى حيز التنفيذ، حيث أنه تمت دراستها و تمويلها ، بما في ذلك من طرف مؤسسات خارجية، ولكنها معطلة بسبب "الثقل و القصور الإداري".
إن جرد مخزون هذه المشاريع أمر إستعجالي، و يمكن للموظفين النقابيين العمل على ذلك في كل الهياكل المعنية.
إن ضغط النقابات و المجتمع المدني كفيل بإزالة العقبات و التعطيلات أمام تحقيق هذه المشاريع، خاصة في الجهات التي لها حاجة ملحة لذلك.


كما أن العدد الهائل للعاطلين عن العمل من أصحاب الشهادات يتطلب مبادرات غير معهودة. فعلى هؤلاء الشباب أن يكونوا محرك النهوض الاقتصادي في جهاتهم . عليهم باستثمار قدراتهم المعرفية ليكونوا نقطة الانطلاق لاقتصاد اجتماعي فعلي، مبني على الحاجات المحلية و القدرات الإنتاجية للشباب.
وحتى تنجح مشاريع هذا الاقتصاد الاجتماعي المستقبلي (المستند إلى الهياكل الجمعياتية، التعاونية، التعاضدية،....) يجب توفير تكوين مختص لاصحاب الشهادات من العاطلين الشبان،ليصبحواباعثين و منشطين أكفاء لها.
لإنجاز هذاالتكوين ،الذي يشمل جوانب تخص التصرف و الإحاطة بهذا الصنف من المؤسسات ، سوف لن يكون من الصعب على الجمعيات و النقابات تلقي المساعدة و الإعانة من مؤسسات و نقابات و خبراء من جميع أنحاء العالم.
إن إطلاق المبادرة في هذا القسم من التنمية الجهوية ، و الذي يستحق كل الدعم من الدولة ، راجع إلى جمعية العاطلين من أصحاب الشهائد، و إلى إتحاد الشغل.


وأخيرا يجدر التذكير بأن الصياغة السريعة لدستور ديمقراطي هي أيضا عامل أساسي لإحياء الاقتصاد و تخفيض البطالة.
كما أن دسترة الحقوق الأساسية للشغالين (الحق في العمل، الحقوق النقابية، حق الإضراب، الحق في الحماية الاجتماعية،...)هي من أوكد مطالب غرة ماي هذه.


حتى يكون 1 ماي 2012 حقا عيد الشغل، عيد الثورة، لنكفل شروط التعبئة حول أهدافها: إنها أضمن واق للثورة.


يحيــــــــا نضال الشغــالين
تحيــــــــا الثـــورة
تحيـــــــا تــــونـــــس
ميثاق 20 مارس - تونس
ميثاق 20 مارس - فرنسا





mardi 24 avril 2012

لا نريد اسقاط الحكومة، لا نريد حل المجلس التاسيسي، نريد اسقاط النظام!!


"الشعب يريد اسقاط النظام" شعار رفعناه وقت الثورة، رفعناه وقت القصبة و مازلنا رافعينوا حتى اليوم.
قالولنا علاش؟ تحبوا تطيحوا الحكومة و المجلس التاسيسي خاتر مش عاجبتكم نتائج الانتخبات؟
نحنا نقولو لا و الف لا ! طالبنا بالمجلس التاسيسي و بالانتخبات و متمسكين بيهم و بشرعيتهم اما متمسكين زادا بالشرعية الثورية، يعني باهداف الثورة.
النظام اللي نحبوا نطيحوه تبنى من وقت بورقيبة على دولة البوليس، على عدم الفصل بين الحزب و الدولة، التونسي ما كانش يعتبروه مواطن، كمشة مالناس يختاروا في بلاصتو شكون يحكمه، كيفاش يحكمه و كيفاش يقمعه، زيد على هذا خيارات اقتصادية تبعية شقت البلاد في ثنين و خلات شطرها في الميزيريا. بن علي كي جاء، زاد الفساد و المحسوبية و ردها بلاد يحكموا فيها الباندية، و بقية النظام ما تبدلش
رأس النظام هرب و البدن مازال هوني
نطالبوا بالقطع الجذري مع النظام السابق، نطالبوا باسقاطه و نطالبوا الحكومة و المجلس التاسيسي بش ما ينساوش اللي شرعيتهم جايا من الثورة و اللي لازمهم يكونوا اول من يساندنا في مطالبنا في عوض ما يخافوا منا. يختزلوا مفهوم الدولة في الحكومة، ياخي ما يفهموش اللي الدولة اوسع ببرشا مالحكومة؟ فيها الحكومة و البرلمان، صحيح، اما فيها زادا المعارضة و المجتمع المدني و القضاء و الاعلام... يحبوا ياخذوا السلطة، ، يبدلوا طرف صغير مل الخماج، يخلّيوا طرف آخر و يرقعوا بشويا عباد نظاف، ما غير ما يبدلوا النظام القديم و يردوه يتجاوب مع نَفَس الثورة و ما غير ما يبدلوا علاقة السلطة بالتونسي اللي حارق روحو بش يولي مواطن. يحبوا يبدلوا رأس برأس آخر و ينساوا اللي مسار الثورة الحقاني هو تحطيم النظام الاستبدادي و بناء نظام جمهوري ديمقراطي تشاركي.فما برشا عباد تحب تقسم التونسيين ما بين إسلاميين و علمانيين، و يسخايلونا سيدي تاتا ما نفهموش اللي ها الدمغجة الفارغة مجعولة بش تنسّينا اللي الانقسام الحقيقي هو اللي يفصل ما بين اللي يحبوا يحققوا أهداف الثورة و يكسروا النظام السابق و ما بين اللي يحبوا يخليوه كيفما هو و ما يبدلوا كان الوجوه في وسطه. الانقسام هذا موجود عند الإسلاميين و عند العلمانيين، جاء الوقت باش تتوضح الأمور و المواقف و طاح الكف على ضله.
 ما ننساوش اللي عطا النفيس و الغالي، حياتو و صحتو، و ولى شهيد او من جرحى الثورة بش نوليوا ناس احرار و نكملوا المشوار بش نكسبوا كرامتنا ومواطنتنا. هذا علاش نطالبوا باسقاط دولة البوليس، نطالبوا بالمحاسبة فلا مصالحة قبل المحاسبة، نطالبوا بعدالة انتقالية جدية مش تسمسير و تعويضات مالية، نطالبوا بش السيادة و القرار يرجعوا للمجلس التاسيسي و المجتمع المدني حتى تكون الحكومة اقوى وو تتجاوب مش كان مع المجلس الوطني بل مع كلّ فصائل الشعب، نطالبوا بتنظيف مؤسسات الدولة مل الفساد مع تنويع الالوان السياسية و مغير موالاة حزبية..
هذا المعنى الحقيقي لاسقاط النظام و للشعار الثوري "شغل، حرية، كرامة وطنية"
Khansa Ben Tarjem


Image:Karim Mejdoub

dimanche 22 avril 2012

Le Manifeste dénonce


le manifeste du 20 mars condamne fermement ces attaques ad hominem.
Après les menaces et les agressions verbales, les figures de "la nouvelle opposition" semblent être l'objet d'attaques brutales de certains contre-révolutionnaires. Ces violences sont devenues systématiques et aujourd'hui (21 Avril 2012) à Kébili, des militants de la société civile; dont Jaouher Ben M'barek qui a du être hospitalisé d'urgence; ont été pour la énième fois pris pour cible.
Alors qui sera le prochain, et à qui doit on ce crescendo bien orchestré de déchaînement contre les activistes de la Tunisie post-14 janvier?
Nous n'accusons personne sans preuves, mais nous réprouvons ces agissements qui font basculer le pays dans un climat de tension et déplacent le débat qui devrait tourner autour du Travail de la Dignité et de la Liberté.
Que les agresseurs portent de vraies ou de fausses barbes le résultat est le même, et nous leur déclarons que Nous militants du Manifeste, nous nous ne laisserons jamais prendre ce que nous avons acquis au prix du sang et de la vie de nos enfants.
Vive la Tunisie plus libre que jamais, 55 ans de dictature et d’oppression ne nous ont pas découragés.Vive la résistance, ces pratiques qui visent à manipuler le peuple afin de faciliter l'instauration d'une nouvelle dictature resteront vaines.
Courage Jaouher.
No pasarán!!!


vendredi 6 avril 2012

أهزوجة لعبد القادر جلبار نقاش / Aubade à Abdel Kader Par Gilbert Naccache

عبد القادر، أنت في عمر كان يمكن معه أن تكون ولدي أو حفيدي، لكنّني أحسّك أخا أصغر أساء إليه كبار الحيّ، وأريد أن أعلمك أنت، يا من لم يعد في وسعك أن تتكلّم، ما الذي تعنيه أنت، لي، ولشعبنا، بل وللعالم أجمع : مع هذا الفجر الباهت للقرن الواحد والعشرين، في الوقت الذي بدا لنا فيه كلّ شيء ميؤوسا منه، ولم نعد نبصر فيه أيّ إشراقة، كنت أنت واحد من هؤلاء الذين أفهمونا أنّ الشّمس على وشك أن تبزغ، وردّوا لنا ثقتنا في الإنسانية وفي شباب الإنسانية، وحدّثونا بأننا قادرون على بناء مستقبل قوامُه الحريّة والكرامة.
لقد كتبتُ- وأنا أتمسّك بما كتبتُ- أنّ هذه الثّورة التي من أجلها خسرت أنت صحّتك، ومن أجلها كنت على استعداد لأن تموت، قد منحتني أنا مستقبلا في وقت خِلتُ فيه، وقد بلغت خريف العمر، أنّه لم يعد قدّامي مستقبل. وأنا لست الوحيد في هذا. بل إنّ أمثالي كثيرون، كلّنا ندين لكم، ندين لك، بأنّنا بتنا نتشبّث مجدّدا بالحياة ونرغب فيها وفي أن نحبّ، وبأن أضحينا نقبل على الدّنيا كما يقبل عليها الأطفال : باِنبهار. وأنا لا أعني هنا أولئك الذين يسيؤون إليك إذ لا يقرّون بالجميل، أو يمتنعون عن الإغاثة، أو حتّى يمارسون العنف الأحمق وفي بالهم أنّهم سيفرضون عليك، أن تلزم الصمت : أولئك الذين غدوا على ماهم عليه اليوم من حال بفضل الثورة وحدها بذلك أن أولئك الذين كانوا هباء منثورا فغدوا كبارا، وهاهم قد أضحوا، بدورهم، يتحكّمون في توزيع المنافع كما في توجيه الضّربات. ومثل أولئك كمثل حديثي العهد بالنعمة : ينصبّ همّهم على القضاء على كلّ ما يذكّرهم بماضيهم البئيس وخاصّة على كلّ صاحب فضل عليهم في نعمتهم.
البعض يحسبهم أبطالا وليس فيهم شيء من الأبطال : كلامهم كلام الضحايا، وردود أفعالهم كردود فعل ضحايا تفيض قلوبهم رغبة في الثأر من جلاّديهم يعجزون عنها أولا يجرؤون عليها فيسلّطون حقدهم على من هم أشدّ ضُعفا ويعزّ عليهم أن يتصدّوا الهجماتهم. وعلى فكرة : أنتم أيضا لم تولدوا أبطالا. فالبطولة لا تظهر على المرء إلاّ متى اضطُرّ إلى مواجهة من هو أكبر، أو أقوى، أو أففتك سلاحا، أو أكثر قسوة، منه، فلحظَتَها يتميّز من لا يتراجعون، ومن لا يعود يهمّهم سوى أن يصمدوا ويثبتوا حتى ينسحب الباغي.... وهؤلاء يُحسبون أبطالا، ومثلهم أنت : أصبحت بطلا.
عبد القادر، ولدي، أخي، رفيقي، لماذا خطت شفتيك وقطَبْتَ فاك، أنت يا من يلزمك أن تفتح فاك واسعا وأن تصرخ عاليا، عاليا جدّا، كي توقظ إخوانك الذين اغتيلوا، وكي تثير الرّعب في أنفس هؤلاء الدّمى البائسة الذين لا يشعرون أنّهم إذ يستخدمون، لإسكاتكم، الرّجال ذاتَهُم ممّن قتَلوكم وجرحوكم فإنّهم يحمّلون أنفسهم إثم الاعتداء الجديد وجرم الاغتيال السابقة معا وجميعا ؟ ولتقبل منّي نصيحة عطوفة : لا تقع في الفخّ الذي نصبوه لك، فأنت خيرٌ منهم، أنت نسغ هذا البلد وتجسيد ذاكرته، أنت غدُهُ، أنت من فتح لنا باب المستقبل. ولأنّك كذلك لا يستقيم لك أن تصمت. أمّا هم، فرغم أنهم سلبوكم ونصبوا أنفسهم سدنةً لهذه الثورة وادّعوا خدمتها (والحال أنّهم أعجز من أن يقدروا حتّى على فهم كنهها) فهم يخافونك، يخافونكم، ويخشون ما تمثّلونه وما تحملونه."
لذلك لا يستقيم البتّة أن، تصمت ! فلا تسكت، ولا تضف إلى الأذى الذي يسلّطونه عليك أذى تحمّله لنفسك من تلقاء نفسك ! انزع الخيط عن شفتيك وأطلق عقيرتك بالصّراخ وقل جهارا وعاليا من أنت، وما هم، ولتتكلّم باسمك أنت، وباسم من استشهدوا، وباسم عائلات الشهداء والجرحى، باسم كلّ من ناضلوا من أجل الكرامة والحريّة والخبز دون أن يروا شيئا من ذلك يتحقّق.
وليصر كلامك نشيدا يصدح به معك كلّ النّساء والرّجال الذين يدركون حقّا ما لكلمتي الكرامة والحريّة من معنى... ليدفع كلامك هؤلاء ليسكتو ويصيخوا السمع... ولتجعلنا كلماتك نهبٌ جميعا لنناصرك ونحميك وننتصر لك : فأنت ملح أرضنا هذه، ولن ندعهم أبدا يستمرّون في إيذائك.


4 أفريل 2012
ترجمه من الفرنسية :



الصّــادق بـن مهنــي





Abdelkader, tu as l’âge d’être mon fils ou mon petit-fils, mais je te sens comme un petit frère à qui les grands du quartier ont fait du mal, et je voudrais te dire, toi qui ne peux pas parler, ce que tu es, pour moi, pour notre peuple, pour le monde même : en cette aube blafarde du vingt et unième siècle, au moment où tout nous semblait désespéré, où nous ne trouvions aucune lueur, tu es un de ceux qui nous ont montré que le soleil allait se lever, qui nous ont redonné confiance en l’humanité et en sa jeunesse, qui nous a dit qu’on pouvait construire un avenir de liberté et de dignité.
J’ai écrit, et je le maintiens, que cette révolution pour laquelle tu as laissé ta santé, pour laquelle tu étais prêt à mourir, m’a rendu un avenir alors que, au soir de ma vie, je croyais ne plus en avoir. Et je ne suis pas le seul. Nous sommes nombreux à vous devoir, à te devoir d’avoir encore envie de vivre, d’aimer, de regarder le monde avec le regard émerveillé des enfants. Et je ne parle pas de ceux qui te font du mal, de la non-reconnaissance, la non-assistance à la violence imbécile pour te faire taire : ils doivent tout à la révolution, eux qui n’étaient rien et qui sont devenus des grands, maîtres des services  à rendre et des coups qu’à leur tour ils peuvent distribuer. Ils sont comme ces parvenus qui veulent faire disparaître tout ce qui leur rappelle leur passé misérable, et surtout ceux à qui ils doivent d’en être sortis.
Eux des héros ? Que non, ils parlent le langage des victimes, réagissent comme des victimes qui ont une revanche à prendre et qui ne pouvant ou n’osant s’attaquer à leurs anciens bourreaux s’en prennent aux plus faibles, à  ceux qui savent pas se défendre contre ce genre d’attaques. Oh, vous n’étiez pas nés héros, vous non plus. L’héroïsme se découvre au moment d’affronter  plus grand, plus fort, plus armé, plus impitoyable que soi : alors, ceux qui ne reculent pas, ceux pour qui plus rien n’a d’importance que de rester debout, de tenir, de faire reculer l’ennemi, ceux-là deviennent des héros, tu es devenu un héros.
Abdelkader, mon fils, mon frère, mon camarade, pourquoi t’être cousu les lèvres, toi qui devrais ouvrir la bouche et crier fort très fort, pour réveiller tes frères assassinés, pour faire peur à ces pauvres marionnettes qui ne se rendent pas compte qu’en utilisant pour vous faire taire les hommes qui vous ont tués et blessés ils se rendent coupable de l’agression présente et complice des assassinats passés ? Permets-moi un conseil affectueux : ne tombe pas dans le piège qu’ils t’ont tendu, tu vaux mieux qu’eux, tu es la sève, la concrétisation de la mémoire de ce pays, tu en es l’avenir, tu es celui qui nous a ouvert la porte de cet avenir, tu ne dois pas te taire. Eux, ils ont beau vous avoir dépouillés, s’être posés en gardiens de cette révolution qu’ils disent servir, mais l’ont-ils même comprise ?, ils ont peur de toi, de vous et de ce que vous représentez.
Alors ne te tais pas ! Ne viens pas ajouter au mal qu’ils te font celui que tu t’infliges toi-même ! Découds cette bouche et laisse-la dire ce que tu es et ce qu’ils sont, dis-le haut et fort, parle en ton nom, à celui de ceux qui sont tombés, à celui de leurs famille, à celui de tous ceux qui ont combattu pour la dignité, la liberté et le pain et qui ne voient rien venir.
Que ta parole devienne un hymne repris par tou-te-s celles et ceux pour qui les mots dignité et liberté ont un sens, qu’elle les oblige à se taire pour entendre, qu’elle nous amène tous à te défendre, à te protéger : tu es le sel de notre terre, nous ne les laisserons pas continuer à te faire du mal.

mercredi 4 avril 2012

Le numéro zero de notre Revue



La révolution a plus d'un an.
Le Manifeste a un an.
A cette noble occasion, nous avons jugé utile d'apparaitre sur la place publique, non plus seulement par des articles sur facebook ou sur le blog de l'association, mais aussi par une publication écrite qui soit nôtre, et qui est en même temps la vôtre.
Nous proposons des réflexions sur la situation, sur les grandes discussions qui intéressent le peuple, en rapport avec la révolution.
Nous sommes ouverts à toutes les suggestions pour améliorer la rédaction, la conception et l'écoute de nos concitoyens, par rapport à cette publication que nous espérons régulière et durable.
Cet espace d'expression militante se veut ouvert aux contributions des différentes composantes de la société civile afin de consolider le discours révolutionnaire.
A l'occasion du 8 mars, «journée mondiale des droits des femmes», ce premier numéro est spécialement dédié aux luttes des Femmes tunisiennes.

Nous voudrions remercier particulièrement les artistes qui ont travaillé avec nous sur ce numéro:
selim Massoudi et Zied Mejri pour leurs caricatures
Meloman pour sa photo 
Le prochain numéro sort bientôt.

lundi 2 avril 2012

L'heure du choix? par Gilbert Naccache



On me somme de choisir. Dis-nous, lesquels préfère-tu, les destouriens ou les islamistes ? Parfois, souvent, on me souffle (façon de parler, ils ont plutôt tendance à criailler, ceux-là) qu’il faut choisir les destouriens, qu’on sera protégé de la théocratie, qu’on préservera nos acquis et, argument suprême, ceux des femmes ! Curieusement le choix est limité à ces deux-là. Comme si les autres, tous les autres, ne pouvaient être qu’avec celui-ci ou celui-là, comme s’ils ne présentaient aucune alternative, comme s’ils ne comptaient pas, en somme.
On veut que je donne mon choix, et on me le demande de différentes manières : certains, sarcastiques, déversent leur bile sur ce peuple « qui ne mérite pas mieux », dévoilant au passage le lien de certains partisans de la coupole (el koba) avec l’esprit de la contre-révolution : tu vois où ça nous a menés, ta révolution. Minute, ce n’est pas ma révolution, c’est celle d’un peuple, d’une jeunesse, et j’y ai trouvé naturellement ma place. Et puis, c’est une vue un peu courte, la révolution n’a pas mené qu’à ce dilemme, la nécessité de « choisir entre la peste et le cholera », elle a aussi libéré la parole, rendu possibles les réunions, les manifestations, rendu audibles les critiques, elle a désacralisé l’autorité, y compris celle que beaucoup ont encore dans la tête, qui leur interdit de faire confiance aux jeunes, aux opprimés, aux faibles, aux « forçats de la faim »…
Il y en a d’autres qui sont franchement perdus, qui voudraient y voir clair, pour qui ma modeste parole a du poids et qui me demandent sincèrement de les aider à trouver le chemin. Quelle terrible destin que de ne pouvoir choisir entre le mauvais et le pire «el mchoum ou el achouem menou ») ! Pourquoi avons-nous forgé nous-mêmes notre malheur en participant à des élections aux résultats prévisibles ? Et maintenant, que faut-il faire ? Cette question, posée sur un ton pathétique ou désabusée, revient comme un leitmotiv.
Et je ne parle pas de ceux qui y ont répondu par la résignation « réaliste », justifiant par avance la nécessaire alliance avec les maîtres d’hier par une miraculeuse rédemption spontanée de ces agents de la dictature convaincus aujourd’hui de la nécessité de la démocratie, grâce à laquelle ils pourraient revenir au pouvoir et défendre les acquis. Acquis de qui ? S’ils sont tellement bien, et répartis entre tous les Tunisiens, ces acquis, pourquoi y a-t-il eu une révolution ? Décidément, le peuple…
Eh bien non, je ne choisis pas ! Pis encore, je leur dis à tous : vous voulez m’entraîner sur le terrain, le bourbier plutôt, où parviennent souvent à vous conduire ces partis politiques qui sont venus après la révolution en déguster les fruits, qui « grimpent sur le dos de la révolution » comme disent les jeunes de la kasbah (« y erkbou ahla dhar el thaoura »).
Mais il faut se demander d’abord si c’est bien le seul choix qui nous est proposé. Comme je le disais plus haut, ma place est dans la révolution, et mon premier choix, la décision fondamentale qui en découle est la suivante : je suis avec la révolution, opposé radicalement, définitivement aux représentants de la contre-révolution, en premier lieu les Rcdistes et le destouriens.
Qu’on me comprenne bien, ce n’est pas un jugement moral ou esthétique. Je considère que la révolution a été dirigée contre un système global, politique, économique, social, culturel, moral… Peu importe que X ou Y en soient les défenseurs, il s’agit du seul régime d’Etat que pouvait y avoir la Tunisie à l’indépendance, l’Etat de parti unique. Et cet Etat a peu à peu pris possession de toute la sphère publique, économique, sociale et administrative, gangrénant l’administration et transformant au fur et à mesure le parti unique en une armée de délinquants vivant aux crochets du peuple tunisien. L’exploitation est devenue trop forte, trop éhontée, trop arrogante – elle ne pouvait pas être autrement, vu que l’appétit des parasites grandissait et que le fonctionnement du système empêchait la production de richesses suffisante – et les injustices trop criantes.
La jeunesse, qui n’avait pas, comme la génération précédente, le souvenir de la légitimité historique du Destour, qui était ouverte sur le monde entier, qui avait accès à la technologie moderne, cette jeunesse n’a alors plus accepté l’oppression, l’injustice, la discrimination, le chômage, et s’est révoltée. Ce qu’elle a remis en cause, ce n’est pas l’aspect politique ou policier du système, c’est tout le système. Et ce ne sont pas ceux qui ont mis ce système en place, ceux qui l’ont aggravé jusqu’à la caricature, qui peuvent en imaginer le remplacement. Ils sont d’autant plus dangereux que rien de fondamental, dans le fonctionnement de l’économie (dirigisme d’Etat appuyé sur l’endettement extérieur notamment), ni surtout dans la composition de l’administration et dans son fonctionnement : si tous ceux qui décidaient ne sont plus en train de demander leur part du gâteau, du moins sont-ils encore capables, par leur inertie, de paralyser en grande partie l’action du gouvernement, quel qu’il soit. Dans ces conditions, que reviennent les anciens artisans du système, et celui-ci pourra redémarrer comme avant.
Ce sont là les raisons qui font que je ne peux en aucune façon admettre que les destouriens reviennent, non pas au pouvoir, mais même à la vie politique. Que passe la justice, avec son lot de révélations sur les responsables de l’ancien régime et leurs agents et complices, sur leurs répressions, sur leurs biens mal acquis, leurs détournements, leurs exactions, et qu’il soit mis une conclusion juridique à ce travail (la justice transitionnelle), alors on pourra poser le problème de la réintégration des autres dans la vie politique et du pardon éventuel des coupables qui auront reconnu leurs responsabilités.
Je disais avoir choisi le camp de la révolution, c’est pourquoi je ne peux choisir de soutenir aucune des forces politiques qui n’ont pas participé à cette révolution, et qui sont arrivés dans les sphères du pouvoir ou de l’opposition par la suite, à la faveur d’élections conçues par ces partis politiques eux-mêmes pour éliminer les candidats révolutionnaires. J’ai les plus grandes réserves vis-à-vis de ces partis, de tous ces partis : en l’absence d’une classe, ou de plusieurs fractions de classe, porteuse(s) d’un projet de société viable nouveau, tous ces partis, derrière leurs différences idéologiques plus ou moins claires ne peuvent imaginer qu’un Etat centralisé et maître de l’économie, c’est-à-dire, à terme, un Etat de parti unique. L’élan démocratique porté par la révolution et l’exigence de liberté et de pluralisme qui en découle ne permettra, je crois, à aucun de ces partis de devenir hégémonique : on a vu l’échec récent des tentatives dans ce sens du mouvement Ennahdha, stoppé dans sa tentative par la formidable réaction de la société civile. Mais la tentation reste forte, comme en témoignent les récentes nominations de gouverneurs, et beaucoup réagissent.
Dans ces conditions, ces partis sont condamnés à coexister, sous la surveillance de la société civile et de la jeunesse révolutionnaire qui n’accepte pas que les libertés publiques et privées soient menacées, que ceux qui les attaquent jouissent de l’impunité. Leur survie, individuelle et collective, dépend de ce qu’ils auront pu réaliser en matière de revendications de la jeunesse révolutionnaire, ce qui transcende largement les problèmes idéologiques qui sont aujourd’hui faussement présentés comme fondamentaux. Si l’on s’attèle à une tâche commune, les différences d’opinion religieuse ou sociales deviennent secondaires…
Et le travail de tous les militants conscients ne me semble pas devoir être de favoriser les luttes frontales entre partisans et adversaires d’un Etat religieux, mais plutôt d’œuvrer pour un regroupement de toutes les énergies en vue résoudre ces questions urgentes pour le pays. Les mobilisations en faveur des blessés de la révolution doivent se poursuivre jusqu’à la solution de ce problème, mais il faut aussi exiger toujours plus fort le démarrage d’une véritable justice transitionnelle, des mesures significatives en matière de lutte contre le chômage et les inégalités régionales, des accords entre partenaires sociaux pour la reprise des activités économiques ; les luttes pour les libertés exigées par les révolutionnaires doivent se traduire par une forte pression en faveur de l’inscription urgente et sans réserves de toutes les libertés, de l’égalité et la justice et, d’une manière générale, des conventions internationales en la matière dans le texte constitutionnel, contrairement aux vœux de ceux qui veulent que celles-ci soient réexaminées en fonction de leur conformité à la chariaa ; il est important également d’abolir la peine de mort et de marquer sans équivoque l’égalité des droits entre les Tunisiennes et Tunisiens. Un tel programme suppose, non pas de choisir entre telle et telle formation, mais de dénoncer ceux qui s’opposent à cette réalisation  collective.
 Donc, je ne reste pas sur le terrain où l’on veut me placer, je ne choisis pas en fonction d’un critère autre que celui de l’intérêt de la révolution. Et parce que cette révolution a libéré les énergies et la créativité des citoyens dans tous les domaines, j’ai une pensée particulière vers les artistes et le producteurs  dont la liberté de création doit être protégée, et que j’appelle à produire et à faire connaître ses productions le plus largement possible : la meilleure façon de faire avancer une société est de faire progresser son niveau artistique et culturel, ce ciment social plus fort que les idéologies passagères.

lundi 26 mars 2012

Le rôle de la société civile dans la révolution Tunisienne, Par Noomen Bouaziz (président du Manifeste France)



Plus d’une année s’est écoulée depuis la révolution tunisienne, qui a chassé Ben Ali du pays et qui a engendré, à travers le monde, un souffle de courage et un nouvel espoir d’émancipation pour consacrer enfin la souveraineté des peuples et faire valoir la liberté et la dignité.

Cette révolution qui était à la fois attendue, rêvée, redoutée et inespérée a été, en Tunisie du moins, essentiellement l’œuvre de la société civile qui avec ses femmes et ses hommes, a pu changer, au cours du temps, les équilibres imposés tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays et réaliser ce que les forces politiques et économiques traditionnelles n’ont pas pu faire ou probablement ont renoncé à œuvrer pour.

Quand je parle de la société civile je me réfère à la fois à la définition globale désignant l’ensemble des citoyens qui composent une société donnée, et à la définition plus pratique et restreinte qui désigne les citoyens organisés en groupes ou organisations et ayant un but non lucratif.

Indéniablement l’étincelle révolutionnaire en Tunisie a été induite par des jeunes révolutionnaires non organisés qui sont entrés en insurrection portés par le désespoir et la colère contre un régime sanguinaire et méprisant qui les a exploités et humiliés depuis des années innombrables pour finir par les oublier.

Mais rapidement et grâce aux bases de la société civiles au sens usuel, l’élan révolutionnaire a trouvé l’organisation et la phrase (slogan) politique nécessaire pour continuer son œuvre : Ben Ali a été chassé et deux gouvernements représentant les reliquats des systèmes ben Ali ont été contraints à démissionner.

C’est également la société civile et les jeunes révolutionnaires qui dans le souci de transformer radicalement le système politique et de tourner définitivement la page du passé ont imposé la mise en place de l’élection d’une assemblée constituante.

Les forces politiques et économiques qui étaient jusque-là à court de vitesse, d’idées et de détermination ont trouvé dans cette élection une occasion pour reprendre leur souffle, pour s’organiser et surtout pour pouvoir canaliser l’élan révolutionnaire qui, certes a continué de peser sur le gouvernement mais s’est restreint à des revendications sociales superficielle en remettant l’essentiel des revendications révolutionnaire à plus tard.

Cette manœuvre essayant de détourner le processus de ses objectifs initiaux n’a pas échappé au peuple tunisien. Les résultats électoraux en sont la preuve. En effet, même si le partie islamiste a obtenu 40% des voix, la majorité des électeurs se sont abstenus de voter suggérant une méfiance voire un rejet des forces qui aspirent au pouvoir.

Apres les élections la bipolarisation prévisible de la société entre partisans de parti islamiste et de son projet d’islamisation politique et les défenseurs d’un état démocratique civil, est devenue un fait réel. Les problèmes politiques débattus quotidiennement se sont éloignés clairement des revendications originelles de la révolution, revendications essentiellement sociales.

Nous ne nous avançons pas beaucoup en affirmant que l’énergie qui a permis aux révolutionnaires de défier les balles n’était alimentée ni par l’instauration de la charia ni par l’instauration de la laïcité : elle voulait essentiellement mettre fin à des décades de mépris pour les droits humains les plus élémentaires.

Certes les revendications actuelles des deux camps sont légitimes, mais leur forme actuelle ne peut aboutir que sur un débat stérile et vain, et ne peut qu’alimenter une haine réciproque voire une guerre civile ou bien l’instauration d’une dictature, qu’importe sa forme.

Devant cet état de fait, différentes analyses commencent à se cristalliser, avec comme implications des plans d’action différents.

La première analyse stipule que le projet de nahdha et un projet clairement dictatorial, que l’instauration d’un régime à l’iranienne est l’objectif qu’ils sont en train d’établir et que ce projet est tellement probable et inacceptable qu’il rend légitime une réhabilitation de l’ancien régime sous sa forme Bouguibienne (allusion au projet moderniste de Bourguiba).

Ce point de vue s’appuie sur le postulat que le retour à une dictature à l’ancienne n’est ni possible, ni envisageable par l’ancien régime, elle aboutit à l’idée que l’unique champ de bataille est le champ électoral et que le réseau de l’ancien régime a les moyens de battre les islamistes.

Nous pensons que cette analyse est aussi inacceptable qu’absurde.

Inacceptable ; car on ne peut pas admette, pendant un processus révolutionnaire, qu’on puisse réhabiliter, aussi rapidement, tout un système dictatorial et mafieux sans que la justice, aussi imparfaite qu’elle puisse être, ait rendu son jugement, comme l’attendent les révolutionnaires.

Absurde car, en supposant que cette machine permette un rebasculement du rapport des force, elle ne pourra déboucher que sur une dictature : l’électorat islamiste est un fait et le seul moyen pour taire ses revendications est un verrouillage complet, tel que celui déjà exercé par Ben Ali, Bourguiba et qu’on a pu voir en Algérie.

Enfin, si on croit à la rédemption miraculeuse et spontanée des agents de l’ancien régime, ils n’ont qu’à rejoindre les nouvelles forces révolutionnaires sans qu’on ait besoin de faire appel à eux.

Cette vision ne peut traduire qu’une angoisse exagérée ou bien un attachement à quelques acquis libertaires garantis par la dictature ancienne aux privilégiés.

Une autre analyse s’appuie sur le fait que le peuple tunisien et sa société civile ne pourront pas être facilement enrôlés par aucune des forces politiques actuelles, islamiste comprise.

Certains diront que les islamistes en Iran ont établi leur dictature suite à une révolution et que le nazisme a été légitimé par les urnes. Mais la révolution iranienne n’avait pas seulement la chute du shah comme objectif, elle visait à libérer les masses paysannes d’un régime féodal dont elles ne voulaient plus : leur intrusion dans la révolution, sous la direction de leur clergé (les chiites sont très hiérarchisés) a transformé une révolution aux mots d’ordre démocratiques en une révolution aux mots d’ordre religieux, elle a permis l’achèvement de la révolution démocratique bourgeoise.

Quant au régime nazi, il correspondait au besoin des industriels allemands, brimés par l’occupation étrangère, de rassembler des forces énormes pour la reconstruction de l’économie allemande. Dans les deux cas, il s’agit en fin de compte de dictature armée, et la seule réponse à une dictature reste toujours une révolution ou un coup d’état.

Nous nous ne sommes pas en train de banaliser ou de sous-estimer les tendances totalitaires de nahdha mais nous nous basons sur des faits réels montrant que leur projet est en grande partie voué à l’échec.

En premier lieu grâce à la formidable mobilisation citoyenne, mais aussi à cause d’une des « facettes non religieuses » du conservatismes sociétal  : ils ont été contraints de prendre leur distances avec leur alliés salafistes, ils ont été contraints de battre en retraite dans le bras de fer avec la centrale syndicale, ils ont été contraints de jouer toutes leurs cartes par rapport à l’introduction de la charia dans la constitution en espérant obtenir au minimum, le maintien de l’ancien article 1.

Cette vision ne prône bien sûr pas un laxisme et un optimisme aveugle. Car c’est une bataille quotidienne et rude pouvant pousser des citoyens, à bout de souffle, à chercher le repos et la stabilité en soutenant le camp qui parait le plus fort.


Il faut batailler pour la liberté et la dignité sans se contenter de les répéter incessamment en tant que tels, car elles commencent à se vider de leur sens et devenir creux. Il faut demander et proposer du concret et aussi refuser sur des bases concrètes pour ne pas tomber dans les pièges des uns et des autres.

Mais la société civile ne pourra regrouper toutes les forces favorables à la révolution, en particulier celles qu’on a tendance à appeler la qasbah, du nom de l’énorme rassemblement des représentants de la révolution, que si elle sort de la problématique où elle a paru enfermée ces temps derniers. Dans un modèle de luttes frontales contre les restrictions aux libertés, elle n’a pas mis assez d’énergie dans la défense des autres revendications de la révolution l’emploi, d’abord, la fin des discriminations régionales, la justice. Faire de ces revendications la priorité dans les luttes à venir changera le terrain et la nature du combat, fera peser une pression énorme sur l’assemblée constituante et le gouvernement, amènera les fronts des réactionnaires à s’effriter et permettront des avancées significatives de la révolution.

Et nous pensons également que des concessions mutuelles entre les tendances politiques non contre-révolutionnaires seront alors envisageables et permettront d’avoir une paix sociale choisie et non imposée.